Après cinq hausses consécutives des taux décidées depuis juin 2022, la BNS a opté pour le statu quo monétaire, estimant être parvenue à contrer "la pression inflationniste persistante".
Ces derniers mois, l'inflation a en effet continué de ralentir. En août, elle s'inscrivait à 1,6%. Le repli est principalement dû à un fléchissement du renchérissement des biens et services importés. La pression inflationniste devrait toutefois s'accroître au cours des prochains mois, notamment en raison de la hausse des loyers et des prix de l'électricité, a expliqué le président de la BNS, Thomas Jordan.
"La bataille contre l'inflation n'est pas encore gagnée", a-t-il insisté devant la presse à Zurich, se montrant décidé à renouer durablement avec la stabilité des prix, ce qui, au sens de la BNS correspond à un taux d'inflation entre 0 et 2%. Il faudra toutefois de la patience, car pour 2023, comme pour 2024, le renchérissement est toujours attendu à 2,2%. Dès 2025, il devrait revenir dans la fourchette cible à 1,9%, alors que la BNS tablait jusqu'à présent sur 2,1%.
"Nous allons observer très attentivement l'inflation ces prochains mois et déciderons en décembre si un nouveau resserrement monétaire est nécessaire ou pas", a poursuivi le responsable. Au besoin, la BNS poursuivra le relèvement de son taux directeur. "En ce moment, la meilleure solution est d'attendre et de voir ce qui va se passer au niveau de l'inflation ces prochains trois mois", a ajouté Thomas Jordan.
Les estimations d'inflation restent cependant sujettes à d'importantes incertitudes, quant à un effet d'auto-alimentation du renchérissement pour de nombreux biens et services, ainsi que l'ampleur qu'atteindront les hausses de loyers induites par le relèvement en juin du taux de référence hypothécaire.
La banque centrale est en outre disposée à être active au besoin sur le marché des changes. "Nous utilisons les ventes de devises pour aider à maintenir les conditions monétaires à un bon niveau (...). Nous allons continuer à faire appel à cet outil, si nécessaire", a expliqué M. Jordan. Soutenir le franc permet en effet d'atténuer les pressions inflationnistes importées.
Les attentes en matière de croissance sont, elles, inchangées. Le produit intérieur brut (PIB) helvétique doit ainsi toujours s'enrober d'environ 1% sur l'ensemble de l'année. L'atonie conjoncturelle risque de se traduire par une modeste progression du chômage, assortie d'un léger recul de l'utilisation des capacités de production.
Après la Fed et la BCE
Avec sa décision, la BNS a emboîté le pas à la Réserve fédérale américaine (Fed) qui a également opté mercredi pour un statu quo monétaire. Face à une inflation toujours élevée, la Banque centrale européenne (BCE) avait par contre porté la semaine dernière son taux d'intérêt de référence au plus haut depuis 1999.
"La BNS avait de très bonnes raisons de faire une pause aujourd'hui et d'adopter une position prudente", commente Charles-Henry Monchau, directeur de l'investissement chez Banque Syz. "La combinaison du ralentissement de la croissance en Europe (susceptible d'atténuer les pressions sous-jacentes sur les prix) et de la force de la monnaie est très susceptible, selon nous, de contenir la dynamique de l'inflation suisse dans les mois à venir", a poursuivi le spécialiste.
"La décision du jour confirme que la politique de la BNS n'est pas tributaire de celle de la BCE", a ajouté Arthur Jurus, directeur de l'investissement pour Oddo BHF Suisse. Malgré la résilience de l'économie, les risques persistent, en particulier celui de la hausse des loyers, "qui pourrait apporter entre 0,3 et 0,6 point d'inflation supplémentaire, au cours des six prochains mois". Il s'attend en décembre à une hausse du taux directeur de 25 points de base, alors que "les investisseurs anticipent toujours un pic des taux BNS à 2% d'ici la fin d'année".
Sébastien Gyger, directeur de la politique d'investissement à la Banque cantonale vaudoise (BCV), a quant à lui évoqué une décision "pragmatique et rationnelle". "Relever davantage les taux ferait courir un trop grand risque à l'économie suisse. Les principaux indicateurs avancés - notamment le baromètre du KOF et les indices des directeurs d'achat - se sont significativement dégradés depuis plusieurs mois", a-t-il relevé. (awp/hzi/ps)