Au sein de l’Association suisse d’assurances (ASA), la déceptionest palpable : le printemps dernier, en pleine crise sanitaire, le Conseil fédéral a décidé de ne pas approfondir le concept d’une assurance pandémie. Et cela alors même qu’il avait sous la main des approches de solutions prometteuses. Pour la faîtière des assureurs privés, le gouvernement signalait ainsi qu’il n’entendait pas contrer le plus grand risque sociétal à l’aide d’un plan préventif. En lieu et place de cela, en cas de nouvelle pandémie il semblait préférer une fois encore des solutions ad hoc pour les sinistrés. C’est ce que déplore le directeur de l’ASA, Thomas Helbling, dans notre entretien en page 24. Pour lui, le Conseil fédéral manque de clairvoyance en matière de prévention contre de nouveaux risques majeurs d’ores et déjà prévisibles.

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Pour l’ASA, cette décision est d’autant plus frustrante que l’industrie de l’assurance a travaillé des mois durant sur un concept commun avec l’administration fédérale. Un partenariat public-privé était envisagé, autrement dit la combinaison d’une couverture étatique et privée. Pour l’heure, il n’en est plus question. Du coup, on redoute qu’en cas de nouvelle pandémie ou de quelque autre grand risque l’Etat amortisse à nouveau les dommages selon le principe de l’arrosoir et à fonds perdu, aux frais du contribuable et de la génération à venir.

Des menaces bien réelles

Or il est urgent d’agir, car des risques majeurs sont à la porte et la survenance du prochain événement grave n’est qu’une question de temps, comme le montre l’Analyse nationale des risques de catastrophes ou de situations d’urgence publiée par l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP). Un catalogue des risques en fait partie, qui énumère une centaine de menaces et d’événements susceptibles d’affecter la Suisse.

Pour l’OFPP, le plus grand risque serait une pénurie d’électricité. Un scénario évoque une chute jusqu’à 30% de la fourniture de courant pendant plusieurs mois d’hiver. Ce scénario pourrait entraîner en Suisse des dommages économiques cumulés de plus de 180 milliards de francs. Un semblable événement – qui pourrait survenir selon l’OFPP dans les 30 à 50 prochaines années – est catalogué comme plus grand risque pour notre pays, devant même le risque de pandémie ou d’une panne générale de la téléphonie mobile. Avec de tels ordres de grandeur, assortis en plus d’une possibilité de diversification limitée, les assureurs auront le couteau sous la gorge. Or entre des événements aussi différents qu’une pénurie de courant et une pandémie, il existe des analogies: comme lors de la crise sanitaire, le Conseil fédéral pourrait proclamer la «situation extraordinaire». Les décisions des autorités affecteraient en tout état de cause les activités économiques et occasionneraient des dommages garantis.