Alors que le mois de mars a battu un nouveau record mondial de chaleur, la décision de la Cour était très attendue : la CEDH ne s'était encore jamais prononcée sur la responsabilité des Etats en matière d'action contre le changement climatique.

Mais la présidente de la CEDH, l'Irlandaise Siofra O'Leary, a rendu trois conclusions différentes sur la même thématique. Si la Suisse a été condamnée, deux autres requêtes ont été rejetées: celle d'un ancien maire écologiste d'une commune littorale du Nord de la France contre l'Etat et surtout celle très médiatisée de jeunes Portugais contre 32 Etats.

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La CEDH devait dire si les Etats visés ont enfreint la Convention européenne des droits de l'Homme, en particulier le «droit à la vie» (article 2) et le «droit au respect de la vie privée et familiale» (article 8), en ne luttant pas suffisamment contre le réchauffement climatique.

La première affaire était portée par les «Aînées pour la protection du climat» (2.500 Suissesses âgées de 73 ans en moyenne) et quatre de ses membres qui avaient développé en plus des requêtes individuelles, lesquelles ont été rejetées.

La requête de l'association dénonçait des «manquements des autorités suisses pour atténuer les effets du changement climatique» qui ont des conséquences négatives sur les conditions de vie et la santé.

Plusieurs heures avant ces arrêts, des dizaines de personnes s'étaient rassemblées sous le ciel gris de Strasbourg devant la Cour, dont la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg.

«La justice climatique est un droit de l'Homme», proclamait en anglais une banderole bleue tenue par les dames aux cheveux blancs des «Aînées pour la protection du climat».

«J'ai 82 ans et je ne verrai pas les effets des décisions rendues aujourd'hui. Il faut que les politiques changent et ça prendra du temps», a délaré Mona Bruna-Molinari, membre de l'association helvétique.

«Tous touchés»

Un second dossier était à l'initiative de l'eurodéputé français (ex-EELV) Damien Carême. Cet ancien maire de Grande-Synthe (Nord), attaquait les "carences" de l'Etat français, estimant notamment qu'elles font peser sur la ville, littorale de la mer du Nord, un risque de submersion.

En 2019, il avait déjà, en son nom propre et en tant que maire, saisi le Conseil d'Etat pour "inaction climatique". La plus haute juridiction administrative avait donné raison à la commune, mais avait rejeté sa demande individuelle, l'amenant donc à saisir la CEDH.

«Voir ma ville submergée dans 30 ans est insupportable», justifiait Damien Carême, expliquant vouloir «en finir avec la léthargie» et «le refus d'agir de l'État».

La troisième affaire était soutenue par un collectif de six Portugais âgés de 12 à 24 ans, mobilisés après les terribles incendies qui ont ravagé leur pays en 2017.

Leur requête était dirigée non seulement contre Lisbonne, mais également contre tous les Etats de l'UE, ainsi que la Norvège, la Suisse, la Turquie, le Royaume-Uni et la Russie, soit 32 pays au total.

«Un tournant»

«Ces trois affaires, intentées par des personnes âgées de 12 ans à plus de 80 ans, montrent que nous sommes tous touchés par la crise climatique», soulignait la Portugaise Catarina dos Santos Mota, 23 ans, avant le verdict.

La position de la cour «peut marquer un tournant dans la lutte pour un avenir vivable», assurait de son côté l'avocat Gerry Liston, de l'ONG Global Legal Action Network (GLAN). «Une victoire dans l'une des trois affaires constituerait pour l'Europe l'évolution juridique la plus significative sur le changement climatique depuis la signature de l'Accord de Paris en 2015».

Les signataires s'étaient alors engagés à limiter le réchauffement de la planète «bien en deçà» de 2 degrés depuis l'époque préindustrielle (1850-1900), et de 1,5 degré si possible.

Avec un nouveau record de températures en mars, les 12 derniers mois ont été les plus chauds jamais enregistrés dans le monde, 1,58 degré de plus que dans le climat de la planète au XIXe siècle, a justement annoncé mardi l'observatoire européen Copernicus. (awp/hzi/ps)