«Dans l'asset management (gestion d'actifs, NDLR), il y a du mouvement. Il y a pas mal de discussions. Il est clair que beaucoup de gens parlent à beaucoup de gens, pour ne pas se retrouver sans chaise quand la musique s'arrête», résume jeudi un banquier d'affaires parisien. L'assureur français Axa a annoncé le 1er août être entré en négociations exclusives avec BNP Paribas pour lui céder son gestionnaire d'actifs Axa Investment Managers, pour 5,4 milliards d'euros, et établir avec la banque un partenariat de long terme. L'acquisition devrait être achevée mi-2025.
Depuis, des sources proches évoquent dans les médias économiques des discussions entre la société française Natixis Investment Managers (groupe BPCE, rassemblant notamment les Banques populaires et les Caisses d'épargne) et l'assureur italien Generali en vue d'un rapprochement potentiel, ainsi qu'entre le gestionnaire d'actifs Amundi (groupe Crédit Agricole) et la banque italienne Unicredit. Les marchés prêtent aussi à Amundi, premier en Europe avec un encours de 2192 milliards d'euros au troisième trimestre, un intérêt pour le gestionnaire d'actifs Allianz Global Investors (AGI).
La filiale du géant allemand de l'assurance Allianz avait en 2022 plaidé coupable devant le gendarme de la Bourse américaine, la SEC, dans un contentieux portant sur des pratiques frauduleuses, lui occasionnant plus de 5 milliards de dollars de dédommagement à débourser. Interrogés par l'AFP, ni Amundi ni Allianz GI n'ont fait de commentaires.
Taille critique
Pour Guillaume Larmaraud, du cabinet Colombus consulting, la gestion d'actifs «se porte plutôt bien, néanmoins il y a quand même des éléments qui plaident pour le rapprochement» entre acteurs. M. Larmaraud évoque le contexte règlementaire, qui alourdit les coûts pour chacun, et l'essor des ETF (des fonds répliquant la performance d'un panier de titres) «qui tendent à diminuer les frais que les asset managers facturaient à leurs distributeurs précédemment».
Grandir en taille permet aux sociétés de gestion, aux banques et aux compagnies d'assurances qui dominent ce marché de «réduire les coûts» et «d'améliorer la rentabilité», souligne de son côté David Benamou, directeur des investissements chez Axiom AI. «On a des asset managers qui sont ne pas très gros en Europe», observe-t-il. Le marché est en effet dominé par des groupes américains comme BlackRock (11'475 milliards de dollars sous gestion à fin septembre), JP Morgan ou Goldman Sachs.
Si les européens n'allient pas leurs forces «les grands champions américains (...) nous passent dessus, c'est le rouleau compresseur», estime le banquier d'affaires parisien. Créée en 2010, la société Amundi s'est d'ailleurs construite à coup de fusions et acquisitions.
La filiale du Crédit Agricole est dans une dynamique de croissance: elle a mené trois opérations cette année en achetant le gestionnaire d'actifs suisse Alpha Associates en février et la fintech allemande Aixigo en novembre, et en mettant en place un partenariat stratégique avec l'américain Victory Capital en avril.
Moins complexe
A l'heure où les banques centrales appellent à la création de géants bancaires européens, le rapprochement de métiers, comme la gestion d'actifs, est moins complexe que des fusions à l'échelle de groupes entiers. Unicredit se heurte par exemple pour le moment à des freins politiques dans son intention de rachat de l'allemand Commerzbank. Au sein d'un même pays, l'offre publique d'achat (OPA) hostile de l'espagnol BBVA sur sa concurrente Sabadell, initiée en mai, reste aussi incertaine.
Des acteurs qui voudraient réunir leurs banques de détail «vont avoir des frais de restructuration de réseau bancaire sur le dos, ils ont à peu près pour 10 ans de plans sociaux, aucun intérêt! Il y a tellement d'autres choses à faire qui sont plus intéressantes pour leurs actionnaires», explique le banquier d'affaires parisien.
«Dans l'asset management, c'est complètement différent: vous avez des économies d'échelle massives» à faire «et là, la consolidation européenne a beaucoup de sens», reprend-il. (awp/hzi/ps)