"C'est une révolution copernicienne complète de la façon de comptabiliser les activités d'assurance", a souligné auprès de l'AFP le directeur général de CNP Assurances Stéphane Dedeyan.
"Tous les réflexes vont être bouleversés", a-t-il ajouté en marge de la présentation des résultats annuels de l'assureur public le 16 février, les derniers sous l'ancienne norme, IFRS 4. La société les présentera à nouveau le 11 avril, selon les nouvelles règles.
L'objectif de cette nouvelle norme est, entre autres, de "réduire les différences d'évaluation et de comptabilisation des contrats d'assurance entre pays", analyse le cabinet d'audit et de conseil Deloitte.
En pratique, il est demandé aux assureurs de passer d'une comptabilité "historique", constatant année après année la valeur générée par les contrats en cours, à une comptabilité "prospective", anticipant dès la signature le profit à venir sur la durée du contrat puis en l'actualisant au réel, année après année.
Objectif: rendre compte de façon plus fidèle dans le temps de la performance d'un contrat
Cette méthode a plusieurs conséquences très concrètes pour les assureurs: elle va mécaniquement faire enfler leur bilan --Crédit Agricole a par exemple prévenu que ses capitaux propres allaient grossir de plus d'un milliard d'euros-- et elle risque d'ajouter un effet yo-yo aux résultats, en fonction de l'évolution des marchés.
Elle oblige les assureurs à davantage de transparence, de l'avis de l'agence de notation Fitch, notamment sur les frais affectés à chacun des contrats.
En attendant, chaque direction financière fait ses petits calculs. La banque HSBC a déjà prévenu que la norme IFRS 17 "pourrait avoir un impact négatif important sur la rentabilité" de ses activités d'assurance.
Marges de manoeuvre
La mise en place d'un tel chantier chez les assureurs a été particulièrement lourde, et l'est encore.
Chez Axa, elle a "mobilisé ces dernières années l'ensemble des équipes finance dans l'ensemble du groupe", pointait lors de la présentation des résultats du troisième trimestre 2022 le directeur financier Alban de Mailly Nesle.
La nouvelle norme propose aux assureurs une certaine marge d'appréciation, une latitude exploitable notamment pour ne pas dérouter analystes et actionnaires cette année.
Les normes IFRS "sont des grands principes, ce ne sont pas des règles", rappelle Anne-Marie Jolys-Bris, directrice associée au sein du cabinet de conseil BM&A. "C'est à chacun d'interpréter, de voir", souligne-t-elle à l'AFP.
Exemple quand certains choisiront de répartir certains frais généraux comme les dépenses de publicité: soit en préférant les laisser à la charge du groupe, soit en les répartissant sur les divers contrats et en diminuant ainsi leur rentabilité.
La nouvelle norme IFRS 17 bouleverse bilans et comptes de résultat en présentant les choses différemment mais elle "ne change pas" la performance d'une activité, relève le cabinet PwC.
Comparer les résultats des assureurs selon la norme IFRS 17 sera toutefois "difficile dans un premier temps", préviennent les analystes de Fitch, en raison justement "des différences entre les approches des sociétés".
La norme IFRS 17 est le fruit d'un travail de longue haleine: les travaux menés par le Bureau international des normes comptables (IASB), organisme de droit privé basé à Londres, ont commencé en 2004.
C'est là que sont élaborées les normes, dites International financial reporting standards (IFRS), qui assurent aux investisseurs internationaux que l'on parle bien de la même chose d'un endroit à l'autre. (awp/hzi/ps)