Cette décision, prise samedi soir par les pays réunis à la conférence sur le climat de l'ONU à Bakou et accueillie par des applaudissements, intervient après des années d'un débat épineux sur le commerce de crédits de réduction des émissions de carbone.

Jusqu'ici, les crédits carbone étaient surtout utilisés par les entreprises désireuses d'annuler leurs émissions pour se revendiquer neutres en carbone, un marché qui a échappé à toutes règles internationales et fut marqué par de nombreux scandales, entre manque d'efficacité et atteintes aux populations locales.

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Désormais, pour atteindre leurs objectifs climatiques découlant de l'accord de Paris, des pays - principalement les riches pollueurs - pourront acheter des crédits carbone, en signant des transactions directement avec d'autres pays "bons élèves" qui surpasseraient leurs propres objectifs.

Cette faculté était prévue par l'article 6.2 de l'accord de Paris de 2015, le socle de l'action climatique mondiale; la décision de samedi la rend effective.

Des experts craignent que ces mécanismes permettent aux Etats de se déclarer plus vertueux qu'ils ne le sont vraiment, créant un «greenwashing» à grande échelle.

«Ce n'est rien d'autre qu'une victoire pour les grands pollueurs et les cow-boys du carbone, et une perte pour les populations et la planète», a réagi auprès de l'AFP Erika Lennon, avocate au Centre pour le droit international de l'environnement (CIEL).

D'un autre côté, les pays en développement, en Afrique et en Asie, comptent grandement sur ces transactions pour obtenir des financements internationaux.

La Suisse pionnière

Concrètement, les pays riches financeraient des activités qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre dans les pays plus pauvres: planter des arbres, remplacer des véhicules thermiques par des électriques, ou réduire l'utilisation du charbon. Il revient ensuite aux pays riches d'enregistrer dans leur propre bilan carbone la réduction correspondante d'émissions.

Anticipant le feu vert de Bakou, 91 accords bilatéraux ont déjà été signés, principalement par le Japon, la Corée du Sud, Singapour, pour 141 projets pilotes, selon l'ONU au 7 novembre.

La Suisse est pionnière. Elle a signé avec le Ghana, par exemple pour réduire les émissions de méthane provenant des déchets, ou avec la Thaïlande pour financer des bus électriques à Bangkok, la seule transaction déjà réalisée.

«C'est important qu'on réduise le plus vite possible et si on a la possibilité de faire une réduction (d'émissions) à l'étranger et en même temps les aider, c'est gagnant-gagnant», a dit à la COP29 le ministre suisse de l'Environnement, Albert Rösti.

Mais pour ses détracteurs, cela revient pour des pays riches à signer des chèques plutôt que de réduire les émissions chez eux.

«C'est la plus grande menace contre l'accord de Paris», dit Injy Johnstone, chercheuse spécialisée sur la neutralité carbone à l'université d'Oxford et qui a suivi de très près les négociations à Bakou.

Des projets en attente

A côté de ce système décentralisé, d'Etats à Etats, il existera un autre système - centralisé - d'échanges de crédits de carbone, ouvert à la fois aux Etats et aux entreprises, connu sous le nom d'article 6.4 dans le jargon onusien.

Au premier jour de la COP29, les Etats ont adopté de nouvelles normes encadrant ce marché avec ce qui est présenté comme des standards améliorés, sous la supervision d'un organe onusien. "Le marché va pouvoir démarrer, il y a de nombreux projets qui attendent", dit à l'AFP Andrea Bonzanni, de l'organisme IETA (International Emissions Trading Association), qui regroupe plus de 300 membres dont des entreprises comme BP ou TotalEnergies.

Avec ces deux décisions, la COP29 installe un marché régulé. «Bien que le texte final ne soit pas parfait, il apporte un degré de clarté qui a longtemps fait défaut» dans le marché du carbone, a réagi WWF.

Mais des experts doutent encore que la qualité des crédits carbone soit réellement rehaussée sur ce marché du carbone prévu par l'accord de Paris.

Pour Greenpeace, ces nouveaux marchés présentent des «lacunes et un manque d'intégrité».

Ils pourraient être «pires pour les populations et la planète que les marchés volontaires du carbone entachés de scandales», assure Erika Lennon, au CIEL. (awp/hzi/ps)