A vrai dire, elle pensait faire une carrière internationale parce que les autres cultures, les mentalités différentes la séduisent. Or voilà bien des années qu’elle travaille pour la même entreprise dans sa ville natale de Lucerne. Parce que la culture d’entreprise évolue sans cesse et parce que ses tâches ont changé à chaque échelon de sa carrière. En 2015, elle est parvenue au sommet et la première chose qu’annonçait la CEO fraiche émoulue de la CSS est ceci : « Nous voulons non seulement être le premier assureur maladie mais aussi favoriser l’innovation sur le marché de la santé. » Il n’a pas fallu beaucoup de temps à Philomena Colatrella pour y parvenir. Par son volume de primes, la CSS est le numéro 1 du pays et elle se distingue aussi au niveau de l’innovation.
« Notre branche est fréquemment divisée et oublie trop souvent l’objectif réel : préserver un système de santé socialement pertinent qui soit aussi finançable », souligne-t-elle. Ce qui la motive et rend supportable ses longues journées de travail, c’est de procurer à la population un accès à un système à fois satisfaisant et abordable. Son réveil sonne avant 6 heures du matin, puis elle s’accorde une heure de lectures. « J’aime les études et je lis tous les résultats de recherches pertinents qui me tombent sous la main. » Car elle se définit comme une férue de sciences naturelles. « J’ai grandi dans une famille de tradition humaniste, mais les études MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technique) m’ont toujours fascinée. » Reste qu’elle opte quand même pour des études de droit, ce qui représente un peu les MINT en prose, dit-elle en riant.
Lorsque, jeune avocate, elle arrive à la CSS, au bout de trois mois elle s’ennuie et se trouve à deux doigts de démissionner. Son supérieur d’alors comprend qu’elle n’est pas suffisamment sollicitée et lui transfère toujours plus de responsabilités. Et c’est ainsi que Philomena Colatrella commence par mettre sur pied l’équipe du service juridique, puis elle organise le secteur Legal & Compliance et, enfin, après avoir été encouragée par des hommes de la CSS à assumer le poste de CEO, elle transforme toute l’entreprise. « A vrai dire, j’ai toujours été et je reste la première critique de la CSS », admet Philomena Colatrella, tout en précisant que ce regard critique doit servir à des améliorations. Pas question de se reposer sur ses lauriers ! C’est pourquoi son engagement va très au-delà de l’assurance maladie classique. La santé numérique et l’essor du paysage des startups la passionnent.
Tous les trois mois, en gros, elle a besoin d’un changement, de quelque chose de nouveau. Alors elle se lance dans une formation continue, prend des cours de piano ou de chant, apprend les rudiments d’une nouvelle langue en plus des cinq qu’elle pratique. En ce moment, elle en est au portugais, qu’elle apprend « par-ci par-là ». J’ai de grandes réserves d’énergie et j’ai envie d’investir cette énergie dans des activités stimulantes. » Par bonheur, son mari est d’un tout autre tempérament et lui donne, à elle et à son « hyperactivité créatrice », de sages limites.
Chez elle, la créativité est une notion clé : musique, beaux-arts, théâtre, tout ce qui touche à la culture lui est essentiel. C’est aussi pourquoi elle siège au conseil de fondation du Kleintheater de Lucerne où, ces dernières années, elle a rencontré plein de gens dotés d’un fin sens de l’humour. Et depuis la crise sanitaire elle a un piano à la maison, dont elle ne joue que pour elle-même. Elle aime la musique du classique jusqu’au rock. La sonnerie de son smartphone répète les premières notes d’« Under Pressure » de David Bowie, ce qui détend l’atmosphère dans son entourage. « J’ai des intérêts extrêmement diversifiés, il est difficile de me classer dans un seul tiroir », avoue-t-elle en riant.