Le rapport «Underwriting our planet: how insurers can help address the crises in climate and biodiversity» constate que de nombreuses activités économiques rendues possibles par les compagnies d’assurance renforcent le dérèglement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité au lieu de lutter contre cette double crise. Bien que certaines compagnies d’assurance, dont de grands réassureurs/assureurs suisses comme Zurich, Helvetia ou Swiss Re, aient commencé à intégrer les aspects environnementaux dans leurs stratégies commerciales, les mesures prises ne sont pas suffisantes. Alors que la prise de conscience face aux risques liés aux phénomènes météorologiques extrêmes ne cesse d’augmenter, le secteur de l’assurance ne s’est jusqu’à présent guère penché sur la question de la contribution de l’activité d’assurance à ces risques.
Citation de Thomas Vellacott, directeur général du WWF Suisse:
«Cet été a été marqué par des vagues de chaleur et des incendies de forêt dévastateurs dans le sud de l’Europe, en Afrique du Nord, en Asie et en Amérique du Nord. Les compagnies d’assurance et leur clientèle sont fortement touchées par ces événements, car ils entraînent une augmentation des versements. Désormais, des régions entières ne sont plus assurables. Il est grand temps que les assureurs s’attaquent à ces risques et alignent leurs activités de souscription sur les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité.»
Citation de Marcel Meyer, responsable des services de développement durable, Deloitte Suisse:
«Le secteur de l’assurance peut jouer un rôle de premier plan dans les efforts visant à assurer un avenir durable. Grâce à leurs liens dans tous les secteurs, les compagnies d’assurance ont la possibilité de mettre en place des incitations pour des pratiques commerciales durables et d’encourager un comportement responsable de leur clientèle. En intégrant des considérations environnementales dans leurs activités, les assureurs peuvent contribuer à la préservation de la biodiversité et à l’atténuation des changements climatiques, et aider à construire un avenir plus résilient et durable.»
En 2022, les pertes économiques mondiales dues aux catastrophes naturelles s’élevaient à environ 275 milliards de dollars, dont seulement 125 milliards de dollars étaient assurés. Les dommages non monétaires pour l’humain et la nature ne sont pas comptés dans cette somme. En réaction à l’augmentation attendue des dommages, les compagnies d’assurance relèvent leurs primes, limitent la couverture d’assurance ou se retirent complètement du marché. En Floride, par exemple, on estime que le coût de l’assurance contre les inondations va doubler, voire tripler cette année pour des milliers de propriétaires vivant dans des zones inondables. En Californie, après plusieurs années d’incendies de forêt dévastateurs, au moins trois grands assureurs ont cessé de proposer de nouvelles polices aux propriétaires.
Grand potentiel pour une économie durable
Avec un volume de primes brutes de 6,86 billions de dollars (2021), les compagnies d’assurance sont un poids lourd économique et possèdent un énorme potentiel pour réduire, grâce à leurs activités d’assurance, les effets négatifs contribuant à la crise climatique et à la perte de nature, ainsi que pour accélérer une transition verte, rapide et équitable de l’économie. Face à la menace de non-assurabilité, il devrait être dans l’intérêt même des compagnies d’assurance de prendre les choses en main. Le WWF leur recommande de mettre en œuvre les mesures suivantes:
- S’engager à atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050 au plus tard et aligner les activités d’assurance sur les objectifs mondiaux en matière de biodiversité.
- Publier et mettre en œuvre les plans de transition correspondants.
- Collaborer avec la clientèle et les courtiers d’assurance pour qu’ils s’alignent sur les objectifs mondiaux en matière de climat et de biodiversité.
- Encourager les choix écologiques de la clientèle en concevant des produits d’assurance et des pratiques durables en matière de gestion des sinistres. Les compagnies d’assurance peuvent par exemple proposer de nouveaux produits pour les énergies renouvelables ou des projets de recyclage et des solutions basées sur la nature. En outre, dans le cadre de la gestion des sinistres, elles peuvent œuvrer, dans l’esprit de l’économie circulaire, pour que les biens endommagés soient davantage réparés que remplacés.
- Réexaminer les conditions commerciales des assurances de responsabilité environnementale afin d’éliminer les incitations à la négligence ayant un impact négatif sur les personnes et l’environnement («aléa moral»). Exiger que les clientes et clients respectent les normes environnementales les plus strictes.
- Exclure les activités économiques et les secteurs les plus polluants de la couverture d’assurance, par exemple les projets d’expansion de l’offre de combustibles fossiles, l’exploitation minière en eaux profondes, la déforestation ou la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (dite pêche INN).
- Communiquer un plan clair d’élimination progressive de toutes les activités liées aux combustibles fossiles, conformément au scénario d’émission zéro net de l’Agence internationale de l’énergie d’ici 2050.
La population suisse s’intéresse aux produits d’assurance durables
Selon un sondage gfs, plus de 55% de la population suisse souhaitait, en 2022, que les produits proposés par les assurances remplissent également des conditions en matière de protection de l’environnement. Ce résultat contraste avec le constat selon lequel seuls 25% de ces mêmes répondants déclarent avoir déjà reçu une offre durable de la part de leur assurance. Une enquête menée par la ZHAW en collaboration avec EY et BearingPoint confirme que le thème de la durabilité n’a pas encore conduit à une différenciation sur le marché suisse de l’assurance pour les clients privés. L’étude montre que plus de 40% des personnes interrogées ne sont pas en mesure d’évaluer si leur assurance s’engage dans le domaine de la durabilité. (cp/hzi/ps)