Malgré le renforcement des mesures anti-corruption, la pratique illicite des versements informels ou des «cadeaux» est toujours aussi courante dans les activités à l'étranger, observe mercredi l'ONG. La corruption semble même en hausse, selon l'étude publiée conjointement par TI et la HES des Grisons.
L'enquête en ligne menée auprès de 539 entreprises helvétiques de tous les secteurs actives à l'étranger montre que 52% d'entre elles sont confrontées directement à des demandes de paiements informels. Et parmi celles-ci, 63% déclarent de tels versements. Parmi les 10% d'entreprises travaillant avec des tiers mandatés, les dessous-de-table sont reconnus dans 85% des cas.
En moyenne, les entreprises consacrent aux versements sous le manteau 5,6% du chiffre d'affaires réalisé dans le pays concerné. Les PME sont tout aussi touchées que les multinationales. Les entreprises avec des sites de production, des joint-ventures ou des participations au capital sont davantage enclines à payer.
Public et privé
La corruption sévit autant dans le secteur public que privé. Plus de 70% des entreprises touchées indiquent que des gratifications sont escomptées lors de l'attribution de mandats par d'autres entreprises tandis que 60% les évoquent dans le cadre de marchés publics. Ces "attentes" viennent parfois de la police ou des douanes.
Environ le quart des participants dit avoir perdu, au cours des deux dernières années, un mandat public ou privé au profit d'un concurrent jugé corrompu. C'est le cas surtout en Italie, en Chine, en Russie et en Allemagne, selon les répondants.
Presque une entreprise sur sept sondées a renoncé à entrer sur un marché en raison du risque de corruption: les pays concernés sont en priorité la Russie, l'Iran, le Bélarus et l'Ukraine. Pour cette même raison, 12% des répondants ont quitté un marché au cours des cinq dernières années: sont cités en premier lieu la Russie, l'Iran, l'Azerbaïdjan, l'Angola et la Chine.
Prévention lacunaire
Jusqu'au tournant des années 2000, les «bakchich» n'avaient que peu de conséquences pour les entreprises basées en Suisse: ils étaient même jugés nécessaires pour certains marchés étrangers et pouvaient être déduits des impôts. Mais le paradigme et le cadre légal ont changé au cours des 20 dernières années.
En conséquence, des stratégies de prévention ont été mises en place, comme la documentation par écrit de toutes les transactions commerciales. Les entreprises peuvent aussi recourir à des mesures disciplinaires ou juridiques ou à l'obligation contractuelle des tiers.
Cependant, l'enquête montre une tendance à la hausse des faits de corruption. Cette évolution peut s'expliquer en partie par la nouvelle méthodologie par rapport aux précédentes enquêtes, expliquent les auteurs. Quoi qu'il en soit, ils ne voient pas d'amélioration.
Peu de procès
La prévention reste en effet lacunaire: près d'une entreprise sur quatre ne compte même pas de mesures élémentaires, comme les directives contraignantes ou les contrôles de diligence des tiers mandatés. La moitié ne dispose ni de formation pour le personnel ni d'organe indépendant pour les lanceurs d'alerte.
Surtout, l'appétit pour le risque reste le principal motif de la corruption, selon les auteurs. Les poursuites pénales à l'encontre d'entreprises fautives sont rares: en 20 ans, seules 11 entreprises suisses ont été condamnées par un jugement définitif pour n'avoir pas su éviter de graves délits. (awp/hzi/ps)