Les locataires font déjà face à des loyers en hausse constante et à la pénurie de logements. Depuis 2005, les loyers auraient dû baisser de près de 5% conformément au droit du bail. Or ils ont augmenté de 25%, a indiqué mardi le sénateur Carlo Sommaruga (PS/GE), président de l'Association des locataires (Asloca).

Rien qu'en 2023, les locataires ont versé 10 milliards de francs en trop, soit en moyenne 360 francs de loyer en trop par mois, a-t-il ajouté. Aux côtés d'associations de défense des droits des consommateurs, des retraités, des étudiants ainsi que du PS et des Vert-e-s, l'Asloca s'oppose aux deux révisions du droit du bail avalisées par le Parlement.

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Les deux objets s'inscrivent dans une «stratégie perfide du lobby immobilier» visant à faciliter la résiliation de baux pour augmenter les loyers, selon Carlo Sommaruga. Et l'alliance de prévenir qu'il ne s'agit que des premières étapes d'une série d'attaques visant une libéralisation complète du marché locatif.

Sous-location déjà encadrée

Le premier projet a trait à la sous-location. Il prévoit que le bailleur devra à l'avenir donner son consentement par écrit. Il pourra également refuser la sous-location si elle dure plus de deux ans ou présente des inconvénients majeurs pour lui.

Aujourd'hui déjà, les locataires doivent obtenir l'accord du bailleur pour sous-louer, rappelle l'alliance. Il est aussi interdit de demander un loyer trop élevé pour la sous-location. Le droit en vigueur a fait ses preuves.

Avec cette réforme, les locataires pourraient se voir résilier leur bail dans un délai de 30 jours pour des manquements mineurs. Pour les motifs de résiliation, un manquement dans le formulaire pour les sous-locations sera désormais mis au même niveau qu'un manquement de payer le loyer, a dénoncé la conseillère nationale Jacqueline Badran (PS/ZH), membre du comité de l'Asloca.

Les partisans du projet avancent qu'il permet de mieux lutter contre les abus liés à Airbnb. Mais aujourd'hui déjà, le bailleur peut intervenir si le locataire loue l'appartement sur cette plateforme. Dans les cantons de Genève et Lucerne notamment, il existe une règlementation d'Airbnb. Or, les propriétaires immobiliers y étaient opposés, ont rappelé plusieurs orateurs.

Etudiants et retraités fortement touchés

Les étudiants, majoritairement sous-locataires, seraient particulièrement touchés par les réformes. Elles ne feront qu'aggraver leur précarité. Ils ont besoin de la flexibilité qu'offre la sous-location, a estimé Sophie Wang, membre du comité de l'Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES).

De nombreux retraités sous-louent une partie de leur logement à des étudiants, des apprentis ou à leurs petits-enfants. La bureaucratisation pourrait conduire à la résiliation du bail des personnes âgées, a de son côté critiqué Béatrice Métraux, co-présidente de l'association de défense des retraités AVIVO.

Cela va à l'encontre des politiques cantonales de soutien aux seniors, a-t-elle ajouté en mentionnant comme exemple un projet vaudois visant à favoriser la colocation intergénérationnelle.

Besoin "important et actuel"

L'autre projet vise à simplifier les résiliations du bail pour besoin propre. Actuellement, les bailleurs peuvent raccourcir les délais de résiliation en cas de besoin propre urgent. La réforme remplace ce besoin urgent par un besoin «important et actuel». Il sera ainsi possible de résilier le bail plus facilement, plus rapidement et sans justification, dénonce l'alliance.

Aujourd'hui déjà il y a des cas où des personnes ont vu leur bail résilié pour besoin propre et quelques mois plus tard, elles constatent que l'appartement est à nouveau à louer, mais avec un loyer plus élevé, a rappelé le conseiller national Michael Töngi (Vert-e-s/LU), vice-président de l'Asloca.

Contrairement à ce qu'affirment les partisans du texte, cela ne créera pas plus de sécurité juridique, car la nouvelle qualification de besoin «important et actuel» devra être définie dans la pratique, a fait valoir Mme Badran.

Locaux commerciaux aussi touchés

Les réformes ne toucheront pas que les personnes qui partagent leur logement, mais aussi les locaux commerciaux, par exemple des cabinets médicaux ou des PME, relève l'alliance. Si le propriétaire n'est pas d'accord, une sous-location commerciale de plus de deux ans ne sera plus possible.

Cela est problématique car les locataires commerciaux investissent souvent beaucoup, a illustré M. Sommaruga. Les résiliations pour besoin propre seront aussi plus faciles. (awp/hzi/ps)